Porsche propose un avant-goût des performances de sa future voiture électrique, le Macan, en installant sa batterie de 100 kWh et son moteur de 400 kW dans un élégant bateau de sport construit par le chantier naval autrichien Frauscher. Ou comment réinventer avec style le canot automobile classique avec la technologie du futur. Voici le eFantom (Porsche 850 Fantom Air) que nous avons eu la chance de tester.
Depuis son apparition dans le catalogue Porsche il y a dix ans, le SUV mid-size Macan est devenu best-seller de la marque, avec une moyenne de 85 000 exemplaires écoulés chaque année, au coude à coude avec le Cayenne, mais loin devant les 35 000 exemplaires de l’iconique Porsche 911. Le Macan constituant une source de revenu indispensable pour le constructeur, sa transformation en version 100 % électrique marque donc un sérieux changement de braquet pour Porsche dont l’offre full-electric se limite pour l’instant à la seule Taycan.
Avec sa puissance oscillant entre 300 kW (408 ch) et 560 kW (761 ch), cette fantastique berline à Zéro Émission concurrence frontalement la Tesla Model S depuis 2019 avec ses 40 000 exemplaires vendus par an. Pour épauler la Taycan et affronter le SUV Tesla Model Y, le futur eMacan (que l’on a déjà aperçu à plusieurs reprises) proposera une énorme batterie d’une capacité de 100 kWh (contre 93 kWh pour le Taycan) et un nouveau moteur qui devrait culminer à 450 kW de puissance, soit 611 ch.
Cette nouvelle voiture électrique devrait faire sa première apparition publique dans le courant du printemps 2024 et reposera sur la nouvelle plateforme PPE (Premium Platform Electric) 800 volts commune avec la marque Audi.
Un bateau électrique aussi puissant qu’une Porsche Macan
“En attendant la présentation de la voiture, l’idée d’installer ces organes essentiels du futur eMacan dans un bateau nous semblait intéressante” explique le porte-parole de Porsche Ben Weinberger. “Nous signons déjà des vélos électriques, des lunettes de soleil et des valises à roulettes, avec notre filiale Porsche Design, alors pourquoi pas proposer un bateau électrique performant et ultra chic avec notre technologie de pointe ?”
Le constructeur s’est donc rapproché du spécialiste autrichien du bateau de sport, élégant et luxueux : le chantier naval Frauscher. Cette entreprise familiale créée en 1927 dirigée par la 3ème génération, les frères Michael et Stefan Frauscher, offre deux atouts importants.
D’abord les Frauscher produisent depuis 1955 des canots à moteur électrique adaptés aux contraintes des lacs autrichiens qui interdisent les moteurs à essence le printemps et l’été – afin d’éviter les nuisances sonores lors de la saison touristique, mais surtout les Frauscher ont su créer depuis le début des années 2000 une ligne de bateau à moteur élégants et racés, dans la lignée des Riva italiens des années de 1960 à 1990. Pour mémoire, le Riva Aquarama (1962-1996) était le speed boat en bois vernis attitré de Brigitte Bardot, amarré au ponton de la Madrague, sa maison de St Tropez.
C’est donc le chantier Frauscher qui reprend aujourd’hui le flambeaux du canot automobile chic avec une gamme de bateaux performants dont le fer de lance est la gamme Fantom : un day-boat de 8,6 m de long destiné à des balades à la journée pour 9 personnes. Avec son accastillage en acier chromé, son plancher en bois brut, sa sellerie en cuir marinisées le Fantom Air 858 était le candidat idéal pour accueillir la nouvelle motorisation électrique Porsche en lieu et place du moteur V8 Mercruiser de 8.2 L de cylindrée et délivrant 425 ch.
Un bateau (presque) sur mesure pour Porsche
Pour réaliser la greffe des organes technique du eMacan dans le bateau, les ingénieurs ont dû faire quelques adaptations, en particulier pour caler au fond de la coque l’accumulateur de 100 kWh et ses 580 kg. “Il nous a d’abord fallu trouver un système pour amortir la batterie lorsque le bateau navigue dans le clapot” explique l’ingénieur Philip Ruckert, “nous avons imaginé un système de ressort en spirale très simple tout autour du berceau pour encaisser les chocs”.
La fixation du moteur électrique n’a pas posé de problème, avec sa puissance max 400 kW (543 ch), soit un peu moins que le moteur du eMacan pour mieux s’accorder au régime max de l’hélice. En revanche, toute la gestion électronique du moteur et de la batterie a dû être retravaillée, car les contraintes d’utilisation d’une voiture ne sont pas du tout les mêmes sur un bateau. Un simple exemple : pour charger une batterie de voiture, il faut impérativement que le frein de parking soit enclenché, or en bateau il n’y a pas de frein de parking…
Tout ce travail d’ingénieur demeure totalement imperceptible si l’on n’est pas prévenu car l’ergonomie et le plan de pont du bateau sont strictement les mêmes. Les deux bains de soleil à l’arrière, le tiroir réfrigérant pour les bouteilles de rosés ou encore la table démontable du carré avant, tout est pareil. Il n’y a que la console du cockpit et les deux sièges qui changent un peu ayant été retouchés par le studio Porsche-Design.
Un logo Porsche se voit gravé sur le cuir de l’appui-tête et derrière le volant, on retrouve les 5 cadrans ronds en hommages aux 5 compteurs traditionnels de la 911 avec au milieu le compte tours gradué jusqu’à 7000 trs/minutes. À côté du volant, au centre de la console se trouve la manette des gaz en aluminium brossé et tout à droite de la console, un large écran sert d’écran GPS en navigation et de tableau de contrôle pour la charge de la batterie et des différents capteurs de températures. En effet, pour simplifier la marinisation du moteur électrique, deux circuits de refroidissement ont été installés : un courant d’eau douce autour du générateur, lui-même refroidi par l’eau de la mer ou du lac.
On largue les amarres en silence
Il est temps de larguer les amarres de ce beau bateau au design élancé. La coque laquée d’un gris très clair resplendit sur les bords du lac de Garde pour notre essai. Le plan d’eau est lisse, le soleil brille, les conditions sont idéales. Pour mettre le moteur sous tension, une simple pression sur le bouton start/stop suffit. Cet interrupteur est placé à gauche du volant – comme sur les 911, en référence au départ type Le Mans, une main sur la clé de contact l’autre prête à enclencher le premier rapport pour s’élancer sur le circuit.
Ici point de vrombissement, ni de vibrations, le bateau glisse sur l’eau à la sortie du port dans un silence cotonneux. La sensation est tellement surprenante que les passagers se taisent pour mieux en profiter. Une fois la digue passée, l’accélérateur à main peut être poussée à fond et en 6 secondes le bateau déjauge (c’est-à-dire se soulève et plane au-dessus de l’eau) pour atteindre en moins d’une trentaine de secondes sa vitesse maximale de 45 nœuds, soit 85 km/h. Au raz de l’eau, c’est une vitesse folle. À cette allure, le vent apparent décoiffe comme dans un cabriolet et empêche de parler sans hurler.
Frauscher et Porsche ont réussi leur pari : montrer que la motorisation électrique avait un réel avenir dans le nautisme. En termes de vitesse, d’accélération et de plaisir sur l’eau, la démonstration est sans appel. “c’est une vraie révolution pour la navigation de plaisance” s’époumone Stefan Frauscher, le co-dirigeant et responsable commercial du chantier naval. Pour la première fois, un bateau offre exactement le même rendement qu’un bateau à moteur thermique, en l’occurrence le gros V8 mercruiser de 430 ch enregistré à 48 nœuds max soit à peine plus vite.
Seul bémol, l’embase Z drive d’origine Mercruiser qui transmet la puissance du moteur électrique à l’hélice émet un bruit de roulement inattendu. Il faut dire que cette nuisance sonore est d’habitude masquée par le vrombissement du moteur thermique, le fabricant américain n’a donc jamais eu à se préoccuper des bruits parasites de sa transmission. “Nous avons dû utiliser cette embase Bravo 3, parce que c’était la seule qui supportait le couple phénoménal du nouveau moteur électrique du Macan” s’excuse Stephan Frauscher.
L’autonomie : le point noir ? Ah non, le prix !
Reste la question de l’autonomie. Porsche et Frauscher garantissent une heure de navigation en continu à 22 nœuds soit 40 km/h. Ce n’est pas énorme, mais suffisant, car ce joli canot capable d’accueillir 9 personnes servira la plupart du temps à se rendre près d’une île devant une belle plage pour pique-niquer, se prélasser sur les bains de soleil ou plonger depuis la plateforme arrière. Si une escale est prévue dans un port, il y a fort à parier qu’il soit équipé de prise de courant le long des pontons pour recharger le bateau, du moins en partie pendant le déjeuner.
Mieux, certaines marinas commencent à se doter de bornes de recharge rapide. Justement, la nouvelle batterie 800 volts du futur eMacan, peut se charger sur une borne de 250 kW et récupérer 80 % de sa capacité en seulement 30 minutes. À titre de comparaison, le V8 de 430 ch consomme 35 litres de super à l’heure à 20 nœuds, et 85 litres à 40 nœuds, ce qui n’a rien d’écolo !
De toute façon le eFantom sera vraisemblablement utilisé comme annexe de grand yacht, or les générateurs de ces palaces flottants tournent en permanence pour la clim et pourront recharger facilement ce canot Frauscher x Porsche, afin de faire des allers et retours vers le port d’attache et/ou faire des tours de ski nautique sans fumées nauséabondes pour le skieurs.
Enfin et surtout si ce bateau cible les propriétaires de yacht c’est qu’il est affiché au tarif coquet de 561 700 euros soit le prix d’un appartement à Paris, et pas moins de 200 000 € de plus que son équivalent thermique. Attention toutefois, si vous êtes multimillionnaires et intéressés par ce eFantom, il n’y a pour l’instant que 25 premiers exemplaires prévus.
Author: Lisa Castillo
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